10.03.2011

Uberaba, ou l'héritage du colonelisme (le pouvoir des colonels) partie 1

Uberaba, un peu plus que beaucoup de villes de l'intérieur du riche Minas Gerais, est une ville fortement marquée par l'époque des coroneis, ces grands propriétaires terriens qui gouvernaient sous la vieille république (1889-1930). Tels nos seigneurs féodaux, les coroneis étaient en charge du pouvoir local en échange de leur fidélité au pouvoir.
Je parle de féodalisme parceque nous en sommes très proches, et que l'héritage dont je vais vous parler de façon complètement subjective me fait penser à une époque bien bien lointaine de la douce Europe.





Selon les dires de l’intelligentsia locale (expatriée à São Paulo ou à Brazilia), six grandes familles gouvernaient Uberaba jusqu'à il y a très peu de temps (20 ans?), la ville en a hérité une structure économique bancale due à sa lenteur d'adaptation aux mouvances économiques récentes (partie une), des habitudes sociales croustillantes (partie 2) et un arriérisme religieux allant de paire avec un déséquilibre étonnant entre population riche et pauvre. (partie 3)

Aujourd'hui, cette ville de 300 000 habitants enregistre les meilleurs taux de croissance tant de population que de PIB du Minas Gerais et du Brésil, enfin, les choses changent, la ville s'ouvre et évolue à une vitesse fulgurante.

Uberaba est une ville riche, creuset de l'agronégoce, elle reçoit chaque année la fameuse Expo Zebu où les grands pontes internationaux de l'élevage bovin posent leur jet privé pour venir acheter aux enchères les dernières innovations en terme d'amélioration de la race bovine (lait ou viande) sous la forme d'ovules, de sperme, ou d'animal. Une vache peut atteindre la somme folle de 200 000 euros, c'est une rencontre passionnante entre la technologie de pointe alliant biochimie et manipulation génétique avec un monde de fermiers millionnaires éduqués sur leurs terres.
L'agronégoce a permis à Uberaba de se doter d'un aéroport, d'une université (UNIUBE) et d'une quantité non négligeable de diplômés qui depuis les années 50 sortent de l'Uniube pour exercer leur métier : avocats, médecins, ingénieurs.

Donc, le panorama est dressé, Uberaba est une ville qui est restée longtemps focalisée sur une seule et unique activité économique, dominée par de riches propriétaires terriens désireux de maintenir un certain statut quo... attention, tout ce que je dirai par la suite pourra être retenu contre moi, mais j'aurais quand même précisé dans cette rapide introduction qu'aujourd'hui, la ville est en plein essors et promet un devenir très positif.

Mais puisque nous parlons d'héritage et de mes états d'âme de française expatriée, laissons libre court à la critique aveugle.
Tout d'abord parce que cette flopée de diplômés, au lieu de s'endormir dans un confort petit bourgeois grossi par la bière et la médiocrité, aurait pu depuis belle lurette voter avec un peu plus d'exigence et se comporter comme des administrés un peu plus scrupuleux des faits et gestes de leurs politiques locaux, qui, disons le, s'en sont mis plein les poches pendant des décennies en toute impunité!
Ensuite parce que ces fameux gros propriétaires terriens auraient pu descendre de leur tour d'argent ces 50 dernières années et voir un eu plus loin que le bout de leur gros nez de richou et penser à leur futur globalisé, mais les diplômés sont là, ou partis, et les gros richous inséminent des vaches et vont se promener en Europe, vivant la belle vie au détriment d'un paquet d'impératifs sociaux de base dans une ville riche : éducation, santé, urbanisme, un triptyque plutôt inexistant dans une économie déséquilibrée.


Je ne développerais pas sur l'éducation parce que j'ai la chance de pouvoir payer les 400 R$ mensuels d'une école privée. Le  salaire minimum étant de 545 R$ au Brésil, cela vous donne quand même une petite idée. Et la fameuse UNIUBE dont je parle plus haut est bien évidemment marchande, payante et chère (3000 R$ par mois pour le cours de médecine par exemple)

Parlons de santé. Attention, ce sujet devrait être interdit pour un français, mais parlons en, ne serait-ce que pour rappeler aux français qu'ils sont très très privilégiés dans ce domaine.
Un RDV chez le médecin remboursé par la sécurité sociale brésilienne se fait à l’hôpital ou au "posto de saude", il faut se rendre à l'hôpital la veille et faire la queue toute la nuit pour pouvoir être reçu le jour voulu, et j'ai pu constater personnellement que le posto de saude se trouvait régulièrement en rupture de stock de vaccins... ou de gants...plutôt étonnant lorsque l'on voit les sommes prélevées sur les impôts pour la santé... où va l'argent? La maison du préfet est la plus grande et une des plus belles de la ville.
Si vous ne voulez pas attendre 4 mois pour faire dévitaliser gratuitement une dent par un dentiste spécialiste travaillant dans le public, il vous en coûtera 300 à 500R$! Rajoutez 1500 R$ de protèse, et concluez en le nombre d'édentés à Uberaba sachant qu'en 2000, le capital par tête à Uberaba état de 400R$...
La femme enceinte de rhésus o négatif se souvient également que la fameuse piqûre vitale que l'on vous administre en cas de bébé de rhésus positif m'a coûté la modique somme de 280R$, et n'est pas remboursée. Je n'ose donc pas vous demander d'en conclure ce qu'il advient aux femmes o négatifs qui gagnent le salaire minimum...

Vive la France!

En terme d'urbanisme, c'est une fois de plus la corruption qui défini le mieux le style architecturale de la ville. Des trous dans l'asphalte, commandée pour durer le temps d'un mandat préfectoral, 4 ans, quelques gros chantiers exubérants, privés, grassement payés par des promoteurs sans scrupule les défauts de ce système ultra libérale : d'autres gros chantiers abandonnés depuis des annés en plein centre ville ou en pleine zone résidentielle, de jolies tours brutes de béton n'abritant plus que des pigeons, ceux que le gros promoteur a plumé avec le préfet impuni de l'époque et sa clique de politiciens verreux sont restés en périphérie!
Aucun espace public, ça ne paye pas de nouvelle voiture au préfet le public, de très rares places, vierges, bétonnées ou flanquées de quelques arbres chétifs mal entretenus, le nouveau préfet ne va pas investir dans une place qui porte le nom de son concurrent tout de même!
Et un parc ou deux, abandonnés eux aussi, la petite fleur ponctuelle d'un appel d'offre gagné sans provision.
Pas de transport public, enfin si, mais pas pour les blancs, trop sale, trop inconfortable et trop plein à craquer, et puis, qui prendrait un bus pour aller de la périphérie au centre si tout le monde prend sa voiture pour aller dans le centre et que la périphérie est trop dangereuse? et puis, c'est dangereux le bus. Voilà, la loi d'airain, le minimum pour s'assurer que les pauvres puissent bien aller travailler chez les riches, point.
Et comme les inégalités sont de mise, nous vivons dans des cages. Pas de sécurité dans un état de non droit. Pas de paix sans justice! Alors tout le monde se cache derrière des murs et se protège derrière des grilles. Plus on est riche, plus les murs sont hauts. Uberaba serait une bien jolie ville si elle n'avait pas à cacher ses joyaux. Les architectes sont bons, mais les maisons qu'ils construisent  sont entassées derrière des murs d'enceinte gardés par des portiers qui rentreront chez eux en ouvrant des grilles et en passant des sas.

Alors, la solution qu'ils ont trouvé, ces pauvres marginalisés à qui l'on cache la beauté du quotidien? ces riches sur gâtés que l'on prive des plaisirs simples? eh bien ils prient. partie 3

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